LA CANTATE HEROIQUE
(Poème)
Audite, Insulae
Psaume ?
Ile !
Aux syllabes de flamme !
Jamais ton nom
ne fut plus cher à mon âme !
Jamais ton nom,
Ile
ne fut plus doux à mon coeur !
Ile aux syllabes de flamme,
Madagascar !
Quelle résonnance !
Les mots fondent dans ma bouche :
Le miel des claires saisons
dans le mystère de tes sylves,
Madagascar !
…
Je te salue, Ile !
Des confins de mes tourments,
Je t’adore.
Ta beauté,
Ma droite
la brandit jusqu’à la hauteur des étoiles,
Madagascar !
…
Le sang clair bu par les tombes
consacre à jamais de l’Elu
la noce rouge avec la Race,
Madagascar !
L’Immensité de ta légende,
Le renouveau de ton renom
ont pris mesure sur l’espace.
Mon amour fixe l’infini
Et ma foi fixe la durée,
Madagascar !
Mais quels sorciers borgnes
sans attendre l’appel
sublime des oracles
ont mouché
la flamme des riches espoirs !
Qui fit du sang de la Démence,
Qui fit jaillir
la source noire empoisonnée
pour en maculer
ta gorge lustrale, Innocence !
Nous pleurerons cent ans !
Nous pleurerons mille ans !
Pleure, Madagascar, pleure !
…
Maudit soit l’inique idole
qui s’en vient d’un geste fou
briser l’élan des jeunes pousses,
l’essor des épis jaunissants !
Pleure, Madagascar, pleure !
Vides seront demain
les greniers de l’Espérance !
Vides les champs jadis
peuplés de pollen et de lumière !
Un haut papango crie, perçant,
à la croisée des quatre brises.
Nos malheurs gorgent les corbeaux
et nos jeunesses les tombeaux !
Pleure, Madagascar, pleure.
…
Dans la caverne du silence
agonisent tes fils blessés !
Pleure, Madagascar, pleure !
…/…
Jacques RABEMANANJARA
(extrait de “Cantate héroïque” écrit – si je me trompe pas – en prison durant l’inssurection de 1947)