Depuis un bon bout de temps, j’ai muré mon coeur dans un béton armé. Je lui ai dit qu’ il est trop mou, qu’il doit apprendre à être insensible pour ne plus se faire mal, quelles que seraient les circonstances.
On s’est bien isolé, on était bien dans ce style de vie qui n’est pas le nôtre. On a appris l’indifférence. On a survécu.
Mais il a fallu que tu te barrais sans préavis pour que le naturel revienne au galop.
Le souvenir des 400 coups qu’on a fait ensemble à nos premières années à Rome remonte en surface,
tes expressions qui nous ont fait tant marrer ressortent de ma bouche,
nos fou rires font écho dans ma tête,
les engeulades de Dise et ta maman à chaque notre connerie résonnent dans mes oreilles et me font rire, tellement on était terribles.
Tant de souvenirs de notre bande de “gangs” ont rouvert spontanément ce maudit béton armé,
la situation en laquelle tu te retrouves m’a sorti de ma torpeur,
toi, l’ami de cette insouciante jeunesse ; toi, l’ami fidèle à une belle amitié depuis un quart de siècle ; toi, le frérot en ce monde loin du pays.
Ce mercredi là, ce mercredi 7 décembre à 7h 15 du soir,
ma main qui tenait la tienne pendant ces quelques 5 interminables minutes où je surveillais les chiffres sur la machine à ton chevet,
ma main qui tenait la tienne pendant ces quelques 5 interminables minutes tandis que ces chiffres dégringolaient inexorablement,
ma main qui tenait la tienne pendant ces quelques 5 interminables minutes… puis le silence. Plus aucun bruit de ta respiration artificielle, et les tracés sur la machine devenaient tout juste des traits horizontaux,
ma main qui tenait la tienne pendant ces quelques 5 interminables minutes, la sentais tu ? m’entendais-tu quand je râlais que ce n’est pas juste que tu te cassais comme ça sans crier gare ?
Ce n’est pas juste mais nous nous inclinons. La Faucheuse a gagné sur ton corps, mais non sur ton si bon coeur.
Ce n’est qu’un au revoir, any indray mitapô an !